Critique

Liber homo

De bois debout
Jean-François Caron
La Peuplade
394 pages
4 étoiles

Le troisième roman de Jean-François Caron, De bois debout, était très attendu et ne déçoit aucunement. L’écrivain atteint un sommet avec ce livre sensible et libre.

Le mot latin liber peut désigner autant l’écorce de l’arbre que le livre ou la liberté. Il résume parfaitement ce dont il est question dans le merveilleux roman de Jean-François Caron De bois debout.

Alexandre est ce jeune homme-livre qui deviendra peu à peu homme libre. Au prix de douleurs et de pertes, bien entendu, mais aussi grâce au pouvoir de l’imaginaire libéré par la lecture.

Sans atermoiement ni condescendance, De bois debout est un hymne à ce qu’il y a de beau dans l’humain, ce qui reste et se transmet.

Le récit débute par la mort d’un homme. Le père d’Alexandre tombe sous les balles de la police par erreur. Le jeune homme, dont le père détestait les habitudes de lecture, fuit dans les bois. Il trouvera refuge chez un reclus défiguré, comme lui amateur de livres.

Alexandre finira par quitter son village, Paris-du-Bois, pour écrire un nouveau chapitre de sa vie avec Marianne. Dans la troisième partie, ce Robin des bois qui n’a rien volé à personne retournera enfin renouer avec la fibre paternelle.

Ainsi décrite, l’histoire de ce passage à l’âge adulte, de cet affranchissement du passé, peut paraître simpliste, mais c’est précisément là qu’agit le grand art de Jean-François Caron : l’acuité de sa perception du monde, l’originalité des stratégies narratives qu’il déploie et son style empreint de poésie.

Le romancier enveloppe de son doux regard autant la fausse faiblesse des uns que la force mensongère des autres.

Il fait entendre aussi justement les voix intérieures des personnages que leurs voix extérieures, donne à voir leur mémoire et leurs espoirs, avant, pendant et après le drame.

Chapitres courts, propos denses, descriptions précises et dialogues pertinents s’appellent les uns les autres. Intimement reliés et interdépendants comme les vulnérables humains dont il est question ici.

De bois debout, c’est grand comme ce Québec de forêts et de misère, d’isolement et de résilience. C’est beau comme le non-dit de l’amour et le trop dit des silences. Dans les replis de la folie qui guette, dans les livres qui guérissent de tout.

Au nom du père, du fils et du sain d’esprit.

EXTRAIT

« ‒ LA MÉMOIRE D’ALEXANDRE

Depuis que j’ai lu Pirandello, j’ai ce désir d’être un personnage dans ma propre histoire. Il y aurait des chants éternels, on taperait du pied, on giguerait, et il y aurait des danseurs pour danser jusqu’à minuit, jusqu’au-delà de la mort. Parce qu’un personnage peut bien rire au nez de la mort. Il ne sait jamais mourir vraiment.

Je voudrais. Depuis toujours et pour toujours. Qu’ils aient tous été des personnages. »

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